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La course du li​è​vre

by Thierry Rogel

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1.
LA COURSE DU LIEVRE A courir après le lièvre A courir après le lièvre On court après sa peau Mais on n'a pas le lièvre On s'interroge alors, heureux propriétaire D'une peau de lapin en guise de trophée On se demande alors si c'est bien là l'affaire Qui nous faisait jadis courir comme un damné Et on se sent bien con, un peu plus démuni D'avoir gâché trop tôt le plus beau de nos âges A courir en tout sens, à en perdre l'esprit Pour une ombre de lièvre, pour une peau de hase A courir après le lièvre A courir après le lièvre On en oublie sa peau On court après son ombre On se sent dépassé, essoufflé et hagard On cherche espérément puisqu'on l'avait coincée Au bout d'une impasse ou au terme d'un couloir Cette ombre qui s'efface comme on l'avait rêvée Alors on désespère et on se sent penaud On se blottit frileux au fond d'une ruelle On ne bouge même plus, on ne fait plus le beau On attend, fatigué, une vaine étincelle A courir après cette ombre A courir après cette ombre On en perd le souv'nir Mais après quoi courait on? Et on court comme un con sans jamais penser plus De peur qu'un tel effort nous ramène sur terre Et nous rappelle encore et nous rappelle en plus Qu'on s'était fourvoyé en suivant cette galère Et on s'arrête un jour les yeux écarquillés Pour comprendre soudain que prend fin le chemin Ravine encaissée qu'on croyait s'être tracée Dans l'ombre d'une ombre de l'ombre d'une fin A courir après l'ombre De l'ombre de cette ombre Après quoi courait on? On en oublie le lièvre A force de courir, de poursuivre les ombres Et traquer les chimères qui parcourent l’enfance A force de ratages, on a les rêves sombres De nos désirs perdus mais on a eu la chance D'avoir couru de part en part au long des rêves Qu'on s'était fabriqués doucement si longtemps D'avoir pris le meilleur, d'avoir goûté la sève Des illusions qui ouvrent la vie à tous les vents.
2.
Clerc de nul 04:55
CLERC DE NUL Je reposerai à l'ombre D'un hêtre solitaire Je ne serai pas du nombre Des dedans de la terre. Elle fermera mes paupières Doucement sans parler Regard'ra en arrière Et m'aura oublié. Laissez moi vivre un peu. Abandonn'ra mon ombre Mon corps décomposé Elle sera du nombre De ceux qui m'ont quitté. refrain: Moi je reposerai à l'ombre Massive, d'un hêtre centenaire Je me mêlerai à l'humus Sentirai la terre au fond des doigts. A ma fête dernière, Il n'y aura qu'elle et le vent Ils seront deux solitaires A mon enterrement. Elle posera ses lèvres Sur ma bouche glacée Mais son amour sans fièvre S'est déjà consumé Laissez moi vivre un peu. Pour une vie nouvelle Qui dès demain l'attend Elle quittera mon aisselle Pour celle d'un autre amant. refrain: Moi je reposerai à l'ombre Massive, d'un hêtre centenaire Je me mêlerai à l'humus Sentirai La terre au fond des doigts. Quand je suis mort hier Elle a appelé la famille L'cousin, l'pépé, l'beau-frère Et même l'amant d'ma fille. Toute cette bande de vauriens Pleurait à mon chevet Inventait qu'ils m'aimaient bien Qu'ils m'oublieraient jamais. Laissez moi rire un peu. Elle fermera mes paupières D'un petit geste pressé Oubliera de se taire Putain qu'elle me fait chier. refrain: Moi je reposerai à l'ombre Massive, d'un hêtre centenaire Je me mêlerai àl'humus Sentirai la terre au fond des doigts. Amants, vins d'une autre vie Y a longtemps qu'elle connait Elle a pas attendu qu'je sois ci-git Pour changer de taulier Et il prenait ses aises Ce voisin de palier C'est dans mes charentaises Qu'il réchauffait ses pieds. Laissez moi rire un peu. Elle fermera mes paupières Avant de s'habiller Et d'aller chez l'notaire Finir de me sucer refrain: Moi je reposerai à l'ombre Massive, d'un hêtre centenaire Je me mêlerai à l'humus Sentirai la terre au fond des doigts.
3.
Pour toi 04:25
POUR TOI Pour toi j'aurais donné Quelques années de plus Quelques années flouées Quelques années perdues Celles où l'on cherche encore Certains fruits défendus Où l'on traque les corps A bouche que veux tu J'aurais abandonné L'illusion de visages Que je tenais serrés Au plus fort des orages Et j'aurais oublié Qu'à faveur des usages Ce ne sont que mirages Que l'on finit d'aimer Pour toi j'aurais aimé Délaisser les années Abandonner les miens Pour des lubies, pour rien Et sans me retourner Laisser mes souvenirs Les chagrins et les rires Mourir à ton chevet. Que ne t'ai je vécue Quelques années plus tôt Pour qu'à corps éperdu On trouve le repos Et la sérénité Qu'ont les gens installés Au cœur de leur printemps (Au bras de leurs amants) Au creux de leurs cent ans. Que ne t'ai je enserrée Plus longtemps qu"à mon heure Que ne t'ai je gardée Plus fort petite soeur. Peut être aurais tu pris Quelques rides de plus Mais tu m'aurais permis De les avoir vécues. J'aurais aimé me fondre Au plus beau de ton corps Au plus noir de ton ombre Et comme on s'aimait fort J'aurais voulu tenir Ton rire à pleine paume Quand tu riais de dire Le prénom de ton môme. ...Que ne t'ai je aimée Plus tôt et plus longtemps Que n'ai j'tout simplement Cessé de te rêver Et aujourd'hui je sombre De t'avoir pourchassée Car mignonne ton ombre Obscurcit mon passé. Pour toi j'aurais vécu Quelques années de plus Pour toi j'aurais tenu Bon la corde des âges J'aurais peut être su Eviter les naufrages Qu'apportent les mirages Des attentes déçues.
4.
INTERMEDE ZODIACAL Il est né sous le signe de l'hippopotame Ses fesses étaient larges et plates, blafardes Son pantalon avait appartenu A un gros éléphant Il pendait bas dans l'entre- cuisses On pouvait y entasser jusqu'à cent pièces d'or. Il est né sous le signe de l'hippopotame. Sa bretelle droite s'enfonçait dans le gras de l'épaule La gauche pendait flasquement jusqu'au genou. Quand le vent soufflait de l'Est, Ilportait un chapeau de paille en papier Fait d'un exemplaire du petit saumurois Quand le vent soufflait verticalement de haut en bas, Il remplaçait ses pantoufles par des baskets Avec des lacets jaunes. Il est né sous le signe de l'hippopotame. Chaque jeudi à neuf heures, il met une chemise mauve, A midi et quart il la constelle de jaune d'oeuf. Depuis 1914 le haschisch Etait remplacé par le caporal ordinaire Pour d'évidentes raisons de salubrité Il est né sous le signe de l'hippopotame. Le rituel étouffe le crée Les papillons naissent déjà transpercés De l'épingle qui permettrea de les fixer Sur le bouchon, la semine suivante C'est pourquoi Chaque jour il débouche trois bouteilles de vin rouge Religieusement. Il est né sous le signe de l'hippopotame.
5.
La famille 03:52
LA FAMILLE L'un de nous s'était rendu libre La famille s'était coupée d'un quart D'un élément de l'équilibre Pour la famille c'était trop tard (bis) L'avait perdu une de ses ailes Ell' tenait artificiellement Elle ne tenait plus en selle Elle s'échouait si lentement Refrain : T'es parti, vieux, sans dire au r'voir L'départ n'est pas bien élégant La famille était autour du feu Faisant encore semblant d'y croire Au fond elle y croyait si peu C'était l'théâtre tous les soirs (bis) Pourtant elle y mettait du sien Elle n'oubliait jamais de fêter Les fête,s les noëls et surtout les Anniversaires sauf peut être un (bis). Refrain : T'es parti, vieux, sans dire au r'voir L'départ n'est pas bien élégant Ils étaient trois autour de la table Le père, la mère, le fils, le chien Ils étaient tous si aimables Mais ils n'étaient presque plus rien (bis) La famille finit son envol La famille s'est essouflée La famille est au ras du sol Elle fait un dernier pied de nez (bis). Refrain : T'es parti, vieux, sans dire au r'voir L'départ n'est pas bien élégant La famille était estropiée Il est parti il y a si longtemps Qu'elle a réappris à marcher Bien qu'ce soit mal élégamment(bis) La famille roulait sur trois roues La famille semblait bancale Mais elle tiendrait jusqu'au bout Vu qu'une famille c'est pas si mal (bis). Refrain : T'es parti, vieux, sans dire au r'voir L'départ n'est pas bien élégant Mais depuis quelques mois déjà La famille a grandi d'un tiers D'un morveux qui n's'annonçait pas Les grands parents sont pas peu fiers (bis). La famille va refaire un tour Les pendules reviennent à zéro Dans le roulement des tambours La famille reprend son numéro (bis).
6.
Mona Lisa 02:16
Mona Lisa. La maman de la Joconde L’aurait préférée en blonde Il est vrai que cette donzelle Avait peu de choses pour elle Si au moins elle souriait Ou avait l'air aimable N'était pas renfrognée Sa beauté serait passable La maman de la Joconde Voulait la marier A un homme du grand monde Ou à un preux chevalier Mais elle leur faisait la gueule Vous étonnez pas trop Qu'la Joconde soit toute seule Coincée dans son tableau. Elle trouvait préférable D'rester chez sa maman De mettre les pieds sous la table S'accorder du bon temps Sa pauvre mère devait tout faire Pour cett' gosse mal grandie Qui délaissait ses affaires Et paraissait au lit. La maman de la Joconde Se disait "quand bien même Ma fille serait gironde Cà n'changerait pas le problème" "Ce petit sourire en coin Ces yeux fixes dans le vide Ne lui donnent pas l'air fin Mais carrément stupide" La maman de la Joconde N'avait plus qu'une idée C'est de lui faire voir du monde De s'en débarrasser Mais...qu'on l'emmène dans les soirées Qu'on la sorte le Samedi Dans les bals de quartier Elle faisait tapisserie "Elle passe son temps à traîner Dormir et rêvasser Cette fille je vous le jure Vaut mieux l'avoir en peinture". "Et j'ai beau être sa mère J'vois pas qui aurait envie S'rait assez nul pour se la faire Ah?...Bonjour monsieur Vinci."
7.
La photo 03:25
LA PHOTO Je regarde cette photo muette Des gens qui sont au loin Que je ne connais pas Mais je n’oublie pas Leurs signes d’amitié Leur sourire en coin leurs adieux envoyés Leur geste de la main Cette image est figée Et j’aurais pu être Assis à leur côté Devant cette guinguette. Et tous ces couples qui dansent Leurs gestes sont embarrassés Par le temps qui s’embourbe Et les heures sont lourdes Leurs ombres se sont posées Sue ce papier sépia Elles sont apaisées Mais ne s’endorment pas Une java, une danse Des couples enlacés L’orchestre recommence Un refrain démodé Je cherche des parents Des visages retrouvés Des traits qui me rappellent Que je ne suis pas seul Et les couleurs ont fui Les joues de cette fille Son teint est bien trop pâle Pourtant elle fait envie En vie, je me demande Si aujourd’hui elle foule Encore mais lentement Le pavé d’une ville Sur cette image ternie Le bal semble arrêté Pourtant les amoureux sont là S’en fichent bien de moi J’aime les photos muettes Aux couleurs effacées Ces scènes immobiles Ces espaces étriqués Mon vieux, dis moi mon vieux pourquoi Quand toute vie s’efface Elles semblent encore Vivre d’un léger frimas.
8.
LA VALSE DU SOLEIL Certains érudits ont l'audace De prétendre que le soleil Ne serait rien d'autre qu'un astre Dans son plus simple appareil Mais le gens qui l'ont connu De plus près qu'les astronomes Certifient de leur vécu Qu'c'était un sacré bonhomme C'est vraiment un drôle d'être, Disent ils Aux humeurs rudes et changeantes Qui ne souffre nul maître Sauf Trenet quand il le chante Mais ces dons d'ubiquité Disent ils Le rendent insaisissable Qu'arrivent les jours d'été Il s'allonge sur le sable Mais à l'instant où il dore La peau des tropéziennes Il quitte les corridors Des concierges parisiennes. L'aura t on un jour chanté Le calvaire des concierges Chaque été abandonné A leurs messes et à leurs cierges Pense-t-on à leur détresse Isolées des locataires Se contentant de la presse Comme occupation solitaire ? Les savants les plus obscurs En font un amas gazeux Faut il ajouter l'injure Au théorème douteux ? Mais les gens qui l'ont connu De plus près qu'les astronomes Certifient de leur vécu Qu'c'était un sacré bonhomme. Il semblait froid et distant Disent ils, Aux hommes qui résidaient Aux confins des déserts blancs Du pôle Nord mais en fait C'est un être chaleureux Disent ils Les assoiffés vous l'diront Mais ce qu'il sait faire de mieux C'est vrai qu'c'est d'tourner en rond Autour de notre planète Ou dans le fond d'un puits Dans l'âme des poètes Qui le noieront de leur ennui L'aura-t-on un jour chantée La valse triste du soleil Qu'on ne sait plus rythmer Aux batt'ments du sommeil Quelqu'un verra-t-il seulement Que sa valse s'est cassée Quand on l'a tout simplement Transformée en heure d'été ? Ma chanson n'est pas finie Mais j'crains d'n'avoir plus rien à dire C'est moche de finir ainsi (Mais) Parler encore ce serait pire Alors permettez messieurs dames Que sur cet air je vous quitte Laissez donc couler vos larmes Je vous chant'rai peut être la suite.
9.
TRENTE FACONS DE PARTIR. Qu'on s'endorme qu'on passe le pas Ou bien que l'on descende aux enfers Qu'on passe de vie à trépas Qu'on ferme les paupières Qu'on périsse ou que l'on passe Que l'on quitte cette vallée de larmes Qu'on expire ou qu'on trépasse Qu'on exhale notre âme Finalement, finalement Finalement Que l'on avale sa chique On aura sorti entrte quatre planches Qu'on dessoude ou qu'on fasse couic Qu'on clamse ou qu'on calanche. Qu'on cane, qu'on fasse la nique Que l'on ferme proprement son pébroc Ou qu'on casse la pipe On se rend chez les taupes. Au bout du compte, au bout du compte Au bout du compte. Qu'on rejoigne Eurydice Qu'on mang' les pissenlits par la racine Qu'on traverse le styx On clabote in fine Qu'on trépasse ou que l'on clamse On devra toujours rendre les clés Qu'on calanche ou qu'on y passe On peut encore s'aimer
10.
Monsieur 03:48
MONSIEUR. La vie d'monsieur tournait bien rond Comme un moteur de cinq chevaux Pas un raté, pas un cahot La vie, monsieur, çà tourne rond. monsieur, monsieur était notaire "Presque..." disait il "Enfin...stagiaire" Heureusement pas un arrivé Disons plutôt...un héritier. Mais dans le fond Monsieur Lebon Etait surtout, surtout bien con Pas un p'tit con, non, ni un grand con Simplement con. Monsieur, monsieur était sociable N'aimant rien tant qu'offrir sa table A des convives appréciés Amis triés sur le volet. Des avocats et des médecins Des dentistes ou des pharmaciens Faisant les beaux, tenant salon Ce petit monde tournait en rond. Et dans le fond monsieur Lebon Etait surtout, surtout bien con Pas un sale con, ni un pauv' con Simplement con. Monsieur, monsieur avait des airs Des opinions, des certitudes Des coups de gueule, des attitudes Qui, pensait il, devraient plaire. Ses réparties avaient le style Des vérités qui s' portent bien On a rien sans rien rappelait il Comme disent les pauvres qui n'ont rien. Et dans le fond monsieur Lebon Etait surtout, surtout bien con Pas un vieux con, ni un jeune con Simplement con. Il avait des rêves raisonnables Pas de ceux qu'il aurait perdus Une maison au pied d'un érable Couverte de lierres et d'plus-value. Une femme aimée dans la cuisine Un grand salon et une piscine Pas pour lui qui n’aime pas nager Pour ses amis à épater. Et dans le fond monsieur Lebon Etait surtout, surtout bien con Pas méchant con, non, un vrai con Simpl'ment con. Un gentil con, de ces personnes Qui t' marchent dessus sans s'en rendre compte Sans être méchant, Dieu leur pardonne Sans être méchant, simplement con.
11.
Les moments 03:01
LES MOMENTS Tant de temps à perdre Nous avons tant de temps à perdre Me dit-elle, Jusqu'à nos cheveux blancs Nos pommettes flétries Jusqu'à nos promenades Trop brèves et interminables De petit père, de petite mère Qu'on s'aime tellement Qu'on s'aime depuis longtemps Qu'allons nous faire De toutes nos années De tous nos temps passés A nous regarder Grandir, flétrir, faner Qu'allons nous dire Que pourrons nous raconter Pour encore nous étonner? Comment vais je rire De tes plaisanteries? Comment pourrai je dire Que tu restes trop le même Comment vais je te reprocher De ne pas changer Et d'être si différent? Qu'allons nous faire Qu'allons nous dire Au creux de nos ennuis Dans nos silences quotidiens? Mon petit père La petit'mère Au creux de nos mains Trop d'années à passer Comme l'écume vague D'une vague que l'on perd A l'encontre du sable. Nous échouerons Oubliés de tous Au bout de nos années Sur un lit blanc (de l'asile) Et nous aurons eu si peu Si peu à nous dire Juste que c'est dur Tout seuls comme deux enfants Devant une grande porte Qui, doucement, s'ouvrira Pour nous laisser nous perdre Dans une nuit trop froide.
12.
LE VERBE DE LA LANGUE Ils croient parler d'amour En parlant de leur langue Ceux là sont ils faits pour Une langue qui tangue ? Et tant qu'on croit avoir Du verbe plein la bouche Alors qu'on le laisse choir C'est alors qu'on se couche. On dit qu'on les chérit Ces mots qu'on s'approprie L'aimer, la belle histoire Leur langue n'est que mémoire. Un babillement, bien sûr, Bien sûr, qu'on peut l'aimer Un mot çà a l'allure D'un enfant désiré D'un enfant qui peut dire Ce que l'on doit cacher Tant pis si çà vous vexe Qu'on t'aime sans complexe Qu'on t'aime sans choisir, Sans même y réfléchir C'est l'enfant qui le dit Pas les mots qu'il choisit. Un bégaiement peut être Je crois qu'on peut l'aimer Quand le verbe est cassé On a les mots qui restent Plantés au bord des lèvres Et accrochés au cœur Et les mots qui s'énervent De n' pouvoir dire "je t'aime" Et ces mêmes mots qui meurent De n'avoir su quand même. Mais il faut pour aimer Une langue blessée (mutilée). Peut être le silence, Le verbe des muets Sont des mots dont l'aisance Ne peut qu'être cachée Car dépassant leur chute Ils n'ont pas trouvé corps D'un verbe qu'on éructe Qu'on lache sans remords En extirpant leur sève Ils sont les mots qu'on rêve. Notre langue est bavarde Ce (Elle) n'est que mots qu'on farde. Une langue çà n'est rien Sinon ce qu'on en fait Un argot de vaurien Peut être un à peu près Une langue d'amour Une langue de bois Une langue de vautour Une langue qu'on aboie Mais une langue au fond Cà n'a pas de génie Et çà n'a que l'esprit Des hommes qui la font.
13.
Le pouète 02:57
LE POUETE Un poète endeuillé sur le tard d’une vie D’une vie occupée à vouloir suivre les traces Des douze pieds de poème dont la marche alourdie Semblait à son avis être un hymne à la grâce. Eut l’idée saugrenue de lire réellement L’accumulation de signes couchés sur le papier Qu’en vanité insigne depuis près de trente ans A Rimbaud ou Delisle aimait à comparer Et pour la première fois depuis bien des années D’un œil vraiment critique il consulta sa prose Les octosyllabiques, les quatrains, les tercets En ces termes à peu près analysa la chose « Bon Dieu à quoi çà rime de faire sonner ces rimes Pourquoi s’casser les pieds à recompter les pieds De mes alexandrins charmer Alexandra Qui a en aversion mes vers et mes sonnets ? » Mais j’ai perdu un vers et la rime est bancale Dans la strophe éprouvée qu’on peut lire ci-dessus Et qui, finalement, ne sonne pas si mal Alors pourquoi passer sont temps à se casser la tête ? » Pourquoi les enfermer dans la cage dorée Des alexandrins, mes pensées Si on peut les écrire Comme elles veulent bien venir ? » « Faire les pensées lires et les faire légères Voilà l’important se dit le poète Et si le rythme n’est pas là, si le claquement de la dernière syllabe manque Qu’importe si le charme reste ? « J’vas donc casser les pieds De mes vers versifiés Transformer leur rythmique en dodécaphonique En arythmique, en répétitif ou en minimal D’abord pourquoi douze pieds et pas huit et pas six Quand on a que dix doigts Et qu’il faut utiliser deux fois ses mains Pour faire le poète – pour faire le poète. Et j’vas casser les mots Et y mettr’ la syntaxe Cul, par-dessus tête Et dire un peu c’qu j’veux Dans l’ordre que j’veux Cul par-dessus tête – cul par dessus-tête. Toute la nuit Il noircit bien des pages De mots, de phrases et de cris En un désordre créant de fulgurantes images – Au bout de dix-sept heures d’hystérie scripturale De ses calligraphies, il souleva la tête Et eut la certitude, absolue, indéniable De pouvoir dire avoir enfin été poète. Mais tout ce qui était fulgurant et génial N’apparaissait que trop tristement banal Hermétique au mieux mais trop souvent abscons Ou bien inconsistant ou alors franchement con Le veux poète alors reprit sa vieille plume Et étirant ses doigts lui servant de boulier Enuméra les pieds pour sauver de la brume Quelques uns de ces mots Perdus sur le papier – perdus sur le papier Et les prenant à part, il leur dit doucement C’est vrai que j’ai eu tort durant ces longues années De ne pas vous laisser tranquilles un seul moment Aujourd’hui, vous êtes libres , c’est juré. Mais, attention, en liberté surveillée.
14.
LES DEPARTS Les rêves de l’enfance s’amorcent au fond des gares Des rêves que l’on sème et l’on aime les départs On se sent fort et on a des relents d’aventure Tenaillant la poitrine, des étoiles qui murmurent Et ces tenailles qui serrent et nous figent comme un verrou On reste coincés là pourtant on rêve un peu à nous Rêver ces soirs d’été qu’on abordera d’autres rives Qu’on quitte cette rue et cette putain de locomotive Refrain Et la gare de Saint-Pierre crie comme toutes les gares Le fer s’y entrechoque, les trains sont au départ Embarquent les adieux comme des navires bancals Bousculés par les ballasts, les rêves bringuebalent La vie qu’on s’était faite aux bornes de l’enfance Et c’est ces putains de rêves qui partent en vacances La vie qu’on s’était faite aux bornes de l’enfance Et c’est ces putains de rêves qui partent en vacances Dans le hall de la gare, ils s’apprêtent à dire leur départ Leurs adieux se chuchotent, emplissent les couloirs “D’au revoir”, “A jamais”, “Reste!”, “On se reverra bientôt” “Si on se quitte encore, on se quitte une fois de trop”. Elles sont pleines d’adieux, de regrets, d’oublis, de refus, Dans les gares s’entassent les traits de ceux qu’on a perdus D’amours qui se brisent, et d’amants qui se taillent De parents qui se perdent mais aussi de retrouvailles Refrain Et la gare de Saint-Pierre crie comme toutes les gares Le fer s’y entrechoque, les trains sont au départ Embarquent les adieux comme des navires bancals Bousculés par les ballasts, les rêves bringuebalent La passion qu’on s’était faite dans notre adolescence Et c’est ce putain d’amour qui s’en va en vacances La passion qu’on s’était faite dans notre adolescence Et c’est ce putain d’amour qui s’en va en vacances Elles sont parfois silencieuses et sont presque désertées Les gares (Elles)sont des refuges que les nuits ont oubliées Et ceux qui n’attendent rien ont l’air d’attendre quelqu’un Ils se sont arrêtés sur le bord du chemin. Ne regardant même plus les trains qui partent sans eux Ne regardant même plus les jours qui s’écoulent sans eux Leurs rêves d’enfants clapotent, leur passé est sur son départ Leur avenir s’encastre, se brise sur les miroirs Refrain De la gare de Saint-Pierre qui crie comme toutes les gares D’Angoulême à Saint-Nazaire, les trains sont sur leur départ Embarquent les adieux comme des navires bancals Bousculés par les ballasts, les rêves bringuebalent Des bribes d’existence et des morceaux de souffrance Et des espoirs d’enfant qui ne partent pas en vacances Des bribes d’existence et des morceaux de souffrance Et des espoirs d’enfant qui ne partent pas en vacances
15.
LE MONSTRE DE LA PLAGE J'suis gamin ! La preuve ! Avec mon bob et mon râteau Avec ma pelle et mon journal On ne me trouve pas normal Et on me dit carrément sot. Avec mon seau rempli de sable Pour faire les tours des châteaux On m'a dit qu'ils n'égaient pas beaux C'est vrai qu'ils sont un peu minables. Vous voyez ! J’suis gamin ! Refrain On m’appelle le taré de la plage On me traite de rigolo J’suis stylé ! La preuve ! Avec mes tongues couvertes d’algue Et mes lunettes en peau de croco Ma chemise et mon paréo Je m’en vais affronter les vagues Parfois je lance des « Gutten Tag » A des touristes rococo Qui parcourent la route à vélo Mais ils n’apprécient epas ma blague Vous voyez ! J’suis stylé ! Refrain On m’appelle le taré de la plage On me traite de rigolo J’suis galant ! La preuve ! J’aime les femmes qui bronzent à plat Qui cuisent comme des tournedos J’leur met de la crème sur le dos Même si elles ne le demandent pas En général elles n’aiment pas Et elles rameutent leurs julots Ils m’attrapent par le tricot Mais si j’me lève, ils font ptits bras Vous voyez ! J’suis galant ! Refrain On m’appelle le taré de la plage On me traite de rigolo J’suis joueur ! La preuve ! J’aime renverser les planches à voile Faire tomber les planchistes à l’eau J’aime bien retirer leur maillot Pour les voir ressortir à poil. Comme j’aime jouer au squale Je pousse très fort les pédalos Les gens paniquent, j’en fais pas trop Je m’arrête juste après le fanal Vous voyez ! J’suis joueur ! Refrain On m’appelle le taré de la plage On me traite de rigolo J’suis sportif ! La preuve ! J’adore les gars qui font la gym Qui cultivent leurs biscoteaux J’agite les bras, j’fais l’ventilo Ils devraient aimer, çà fait la clim Des fois ils disent « j’vais faire un crime » Ils me font des prises de judo C’est là qu’ils voient qu’si mes kilos Sont là çà n’est pas pour la frime Vous voyez ! J’suis sportif ! Refrain On m’appelle le taré de la plage On me traite de rigolo J’suis serviable ! La preuve ! Cà, nager loin, je sais le faire Souvent même j’aide les monos A leur ramener les marmots Des fois, j’me trompe, j’ramène leur mère La fin d’la journée, c’est c’que j’préfère Parce que c’est l’heure de l’apéro C’est l’heure où on sort les journaux C’est l’heure où je fous tout par terre Vous voyez ! J’suis serviable ! Refrain On m’appelle le taré de la plage On me traite de rigolo J’suis aimé ! La preuve ! Y a que les gosses qui m’acceptent Surtout les tout petiots loupiots Avec ma gueule de vieux poulbot C’est bien les seuls qui me respectent Parfois ils me crient « Hé, la bête ! » Ils trouvent cela très rigolo Quand je parle ils disent que j’ai tout faux C’est pour çà qu’ils m’appellent « p’tite tête » Vous voyez ! J’suis aimé ! On m’appelle le monstre de la plage Parce que j’fais chier le populo Je sais bien que c’est pas très beau Mais comment faire pour qu’à mon âge On s'intéresse à mes vieux os?
16.
Maturité 01:57
MATURITE. Lente tristesse des étés mornes De blés fourragés de cuisses abondantes Lourdeur du temps presque arrêté Avant sa bascule Brutale Fatale Lassitude grise des reins épais Du plomb dans les lombes Poitrail alourdi Des chênes encore immobiles Gorgés de sève Gorgés de la sève Trop épaisse D'avant la finitude. Lente caresse des étés mûrs.

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released July 1, 2008

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Thierry Rogel Joué Lès Tours, France

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